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École

1831 – 2016 Rétrospective sur 185 ans d’enseignement public à Goulet

Jusqu’à la Révolution, l’instruction de la population est donnée principalement par les religieux. Dans le contexte de la révocation de l’Édit de Nantes, elle est rendue obligatoire par l’Ordonnance Royale du 13 décembre 1698, afin d’astreindre tous les enfants, quelle que soit leur confession, à fréquenter les mêmes écoles paroissiales.

À la Révolution, l’Assemblée Constituante ne réforme pas l’école. Elle se contente de créer, le 7 août 1790, une administration de l’instruction publique au sein du ministère de l’intérieur et d’inscrire, le 3 septembre 1791, dans la Constitution :

Il sera créé et organisé une instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables pour tous les hommes et dont les établissements seront distribués graduellement, dans un rapport combiné avec la division du royaume.

Il faut attendre la loi GUIZOT du 28 juin 1833 pour que l’enseignement primaire public s’organise au sein des universités de France, avec une école normale d’instituteurs dans chaque département et une école primaire dans chaque commune de plus de 500 habitants.

Et, en 1830, Goulet compte 530 habitants…

Le projet de loi GUIZOT ne suscite pas beaucoup d’enthousiasme au sein du Conseil Municipal de Goulet.

Dans sa délibération du 28 décembre 1831, le Conseil Municipal de Goulet refuse de s’abonner au journal national de l’instruction publique, au motif que c’est trop cher et inutile pour une commune sans ressource et rurale comme Goulet.

Dans sa délibération du 16 septembre 1832, le Conseil Municipal de Goulet « prend en considération le dévouement de Monsieur le Ministre et de Monsieur le Préfet » pour l’instruction publique. Mais il estime que la commune :

  • « n’a point de maison d’école ni de local qui puisse en faire une » ;
  • « ne peut point y faire construire une, vu qu’il n’y a point de terrain pour pouvoir y faire construire » ;
  • « n’est nullement d’avis ni d’acheter ni de maison d’école ni de terrain pour en construire une, vu le peu de revenu qu’elle possède, ayant fait beaucoup de sacrifice pour le presbytère, ce qui l’a mise hors d’état de pouvoir y contribuer » ;
  • « ne peut accorder aucun traitement à l’instituteur, vu qu’il y a la cloche à refondre et à augmenter, qui depuis plus de six ans est cassée et d’une chose indispensable, pour quoi le conseil ne peut accorder aucune somme ».

Pourtant, en octobre 1838, une « maison d’école » est ouverte dans un local que la commune de Goulet a loué au Sieur Louis GRAINDORGE, pendant 3 ans, au prix de 40 francs par an. La mairie paiera le loyer la 1ère année et oubliera de le payer les 2 années suivantes ! Ce sera régularisé le 16 décembre 1841…

En fait, 8 ans après sa promulgation, la loi GUIZOT fait son chemin dans les territoires ruraux. Le Conseil Municipal de Goulet dépose en mai 1841 un 1er projet de construction d’une maison d’école et d’une mairie sur le terrain du presbytère.

Le projet ne convient pas, est repris plusieurs fois et reçoit enfin l’accord de la sous-préfecture d’Argentan le 22 mai 1843 et celui de l’Université de France le 22 juin 1843.

Cet extrait du plan du projet situe la maison d’école au cœur de la commune, en bordure d’un champ appartenant au Sieur DESLANDES. C’est aujourd’hui le n° 3 de la rue du Hamel, mais celle-ci n’existait pas alors. Sur le plan cadastral napoléonien, le hameau situé entre la ferme de la Grande Cour, en face de l’école, et la rue Follin, est dit de la Grande Rue.

La construction de la bâtisse sera, dans son ensemble, fidèle aux plans approuvés par le Préfet de l’Orne le 27 septembre 1844.

Les aménagements intérieurs offrent en rez-de-chaussée, une classe pour 60 élèves, une cuisine et un cellier, et à l’étage, une salle de  mairie, une chambre et un cabinet pour l’instituteur.


Pour financer le projet, le Conseil Municipal de Goulet se réunit le 28 février 1842 et décide de mettre en vente six parcelles communales d’une superficie totale de 278 ares 29 centiares (27 829 m²). Le montant de cette vente est estimé à 2 800 francs.

Ces terres communales avaient été confisquées à la Révolution au Sieur Auguste Marie François Joseph des BROSSES, marquis de Goulet, colonel de la région de Haute-Saône, chevalier de l’Ordre Royal & Militaire de St-Louis et chevalier de l’Ordre Noble du Phœnix.

Le devis final s’élève à 6 400 francs. Le 24 janvier 1844, le Conseil Municipal débloque 2 000 francs de fonds libres. Mais il reste encore à trouver 1 600 francs. « La Commune espère toujours sur la bienveillance de Monsieur le Sous-Préfet pour lui faire obtenir la différence du montant du devis. »

La maison d’école est construite en une année. C’est une prouesse remarquable, même si, à cette époque, la main d’œuvre est abondante et peu chère.

L’école ouvre ses portes en octobre 1845 ainsi que l’atteste le courrier ci-après :

De la mixité dans l’école publique…

Argentan, le 21 juin 1863.

Monsieur le Préfet,


Un rapport de l’inspection avait appelé déjà mon attention sur la difficulté que soulève le Conseil Municipal de Goulet. La classe de cette commune compte 52 élèves dont 24 filles. Elle est disposée de telle sorte que l’absence de cloison n’y est pas sans inconvénient. Mr le Maire, à qui l’observation en avait été faite, le comprit si bien qu’il promit d’aviser sans retard aux moyens d’y remédier.
Il est fâcheux que le Conseil Municipal, en dehors de toutes préoccupations, ne se soit pas associé avec empressement à une mesure qui touche aux intérêts les plus précieux des familles et des bonnes mœurs. Que l’enseignement soit donné par un instituteur ou une institutrice, que l’institutrice soit religieuse ou laïque, il est urgent que les sexes soient séparés dans une école mixte. La loi le veut ainsi, et j’estime que c’en est assez pour ne tenir aucun compte des raisons alléguées par le conseil municipal de Goulet.
Mon avis serait donc, Monsieur le Préfet, conformément à la lettre et à l’esprit des règlements, qu’une délibération qui repousse la demande si juste et si raisonnable de Mr le Maire de Goulet fût considérée comme non avenue et qu’il fût pourvu, par tels moyens que de droit, à l’établissement nécessaire d’une cloison séparatrice pour l’école mixte de cette commune.
Daignez agréer, Monsieur le Préfet, l’hommage de mon plus profond respect.


L’Inspecteur primaire

Archives de l’Orne

De la laïcité dans l’école publique…

Séez, le 22 septembre 1865.


Monsieur l’Inspecteur d’Académie,


Je croyais que vous étiez informé officiellement de la détermination que nous avons prise d’abandonner le poste de Goulet (Argentan).
Dans une lettre que j’ai eu l’honneur d’adresser à Mr le Préfet, à la date du 25 août, je lui motivai nos raisons (vous trouverez sous ce pli copie de cette lettre). J’écrivis également à Mr l’Inspecteur d’Argentan et à Mr le Maire de Goulet.
Nous regrettons l’abandon de ce poste, Monsieur l’Inspecteur. Goulet a été, il y a deux cents ans, le berceau de notre congrégation(1) et, de plus, les cendres de notre pieux fondateur(2) y reposent. Mais, la présence d’une religieuse était un sujet de division dans le Conseil Municipal. Puisse son départ faire renaître la bonne entente, le bon ordre. C’est ce qui adoucira notre sacrifice.
Veuillez agrée l’assurance du profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être,

Monsieur l’Inspecteur,

Votre très humble
Sœur Supérieure

(1) Congrégation des Sœurs de la Providence
(2) Abbé Julien LEFEBVRE, curé de Goulet

Archives de l’Orne

Les lois de Jules FERRY du 16 juin 1881 et du 28 mars 1882 rendent l’enseignement primaire public, gratuit et laïc, et l’instruction primaire obligatoire.

De l’égalité des sexes à l’école publique…                                                            

                                                            … et de la difficulté d’être maire !

Délibération du Conseil Municipal de Goulet du 11 mai 1872.


M. le Maire fait observer au Conseil Municipal que, par suite de la démission de Melle Delarue, institutrice communale, les enfants se trouvent en ce moment privés d’instruction.
Il fait observer en outre que les habitants à l’unanimité préfèreraient un instituteur à une institutrice et que la plupart des jeunes garçons vont pour cette cause chercher l’instruction à quatre kilomètres.
Il résulte de ceci que la commune se trouve privée d’une partie de ses ressources pour subvenir aux dépenses de l’enseignement et, bien que le traitement de l’instituteur soit plus élevé, cette différence se trouvera compensée par la fréquentation de l’école par tous les enfants.
Un autre inconvénient résulte de la difficulté de trouver un secrétaire permanent pour la mairie et par suite, comme on l’a vu plusieurs fois, personne ne veut se charger des fonctions de Maire.
Le Conseil approuve ces motifs à l’unanimité et prie M. le Préfet de vouloir bien, aussitôt que les circonstances le permettront, nommer un instituteur à l’école mixte de Goulet.
Fait et délibéré à Goulet lesdits jour, mois et an ci-dessus.

Archives de la Mairie

L’école de Goulet sous l’occupation allemande…

Une habitante de Goulet raconte :

J’avais 13 ans en 1944, c’était l’année de mon Certificat d’Études Primaires. Nous étions 52 élèves dans la classe de Madame BOULEY.
Les Allemands occupaient tout le rez-de-chaussée de l’école. La classe se faisait à l’étage et la salle de mairie avait été déménagée dans la maison d’en face 1.
J’ai passé le Certificat d’Étude à Écouché. Dans l’après-midi, la gare d’Écouché 2 a été bombardée par les Alliés. Ça ne m’a pas empêchée d’obtenir le diplôme 3 !!!
1 Aujourd’hui, au 4 de la rue du Hamel
2 Il s’agit vraisemblablement du triage, distant d’un kilomètre environ de l’école d’Écouché
3 Le diplôme est daté du 23 mai 1944

Une partie de la classe de Thérèse BOULEY en 1944

À la rentrée 1952, devant l’augmentation rapide de l’effectif de l’école et l’exiguïté de la classe, le Conseil Municipal envisage la construction d’une nouvelle classe.

En attendant, pour la rentrée 1954, l’unique salle de classe est agrandie. Au rez-de-chaussée, l’entrée au centre de la façade est déplacée sur la gauche, les cloisons du vestibule et la cuisine de l’instituteur sont supprimées. À l’étage, la salle de mairie est abandonnée au profit du logement de l’instituteur.

La décision de construire au lieudit La Croix le baraquement qui abritera la seconde classe et la mairie est prise au printemps 1957.

La nouvelle classe est ouverte à la rentrée 1958.

Le baby-boom de l’après-guerre est passé, l’effectif de l’école de Goulet diminue. La classe en préfabriqué ferme à la rentrée 1965 et est reconvertie en salle des fêtes.

La 2nde classe reconvertie en salle des fêtes et l’école en arrière-plan

En 1967, faute d’un effectif suffisant, l’école primaire de Sentilly est fermée. Son instituteur et la plupart des élèves viennent à l’école de Goulet.

Puis les enfants du baby-boom deviennent à leur tour des parents. À la rentrée 1974, l’effectif prévu de l’école de Goulet est de 35 élèves. Le 21 mars 1974, l’Inspecteur de l’Éducation Nationale autorise l’ouverture d’une seconde classe.

Cette nouvelle classe, en préfabriqué, est construite dans le jardin de l’école pendant les deux mois de vacances scolaires. Elle ouvre à la rentrée 1974.

Photo Sylvain VIGAN
Photo Jean-Pierre MAZER

L’effectif diminue à nouveau, notamment parce que de plus en plus de parents travaillent et scolarisent leurs enfants dans un établissement qui dispose d’une restauration scolaire. Pour éviter la fermeture de la seconde classe, le Conseil Municipal décide de créer une cantine scolaire en janvier 1988. Elle est aménagée dans la salle des fêtes de Goulet et les premiers repas sont servis en février 1989.

Cette même année 1989, le rectorat veut fermer les classes uniques dans les écoles rurales de l’Orne. Pour sauver les écoles de Montgaroult et de Goulet, les élus des deux communes et de Sentilly décident de créer un Regroupement Pédagogique Intercommunal.

À la rentrée de septembre 1990, une classe maternelle à Montgaroult et deux classes primaires à Goulet sont ainsi ouvertes.

Photos Fernande FAMECHON

Les locaux des écoles de Montgaroult et de Goulet sont déjà bien vieillissants. En 2009, les autorités font comprendre qu’ils ne sont plus conformes à la législation en vigueur :

  • le réfectoire et le transport des repas à Montgaroult posent des problèmes sanitaires ;
  • la classe en préfabriqué de Goulet ne répond plus aux normes de sécurité.

Les élus des trois communes décident alors de construire une école neuve à Goulet. En effet, la commune dispose au Centre de Loisirs d’une cuisine avec des équipements très récents et d’un réfectoire, et d’un terrain libre à proximité immédiate.

La nouvelle école est inaugurée le 2 novembre 2013.

Photo Mélanie PLANCHENAULT
Photo Jean-Pierre MAZER

L’ancienne école de Goulet, construite en 1844 et ouverte en octobre 1845, ferme ses portes en octobre 2013 et est vendue en janvier 2015.

Durant les 168 années d’activité de l’ancienne école de Goulet, les noms des enseignants qui y ont exercé ne sont pas tous connus. 33 ont été recensés entre 1920 et 2013.

De même, les noms des élèves qui l’ont fréquentée ne sont bien connus que depuis 1920. On peut estimer le nombre d’élèves qui y ont « usé le fond de leur culotte » à environ 1500.